Communication adressée à la rédaction de la revue Relations, novembre 2001.
Monsieur le directeur,
J'ai lu avec intérêt le dernier numéro de Relations (« Ensemble contre le racisme », novembre 2001) et, en particulier, l'entrevue que vous accordait monsieur Jean-Claude Icart.
Ce que nous dit monsieur Icart est très juste. J'ai déjà eu le plaisir de l'inviter à prononcer une conférence à l'occasion d'un cours que j'ai donné à l'UQAM de 1989 à 1998 sur l'histoire des communautés culturelles.
S'il faut effectivement souligner l'apport et la présence des autres groupes à la société, il me semble que nous devrions aussi dépasser le cadre d'analyse généralement utilisé qui se limite souvent au phénomène d'exclusion présent ou passé -ce qui ne signifie pas pour autant que nous devions le tolérer- et commencer par reconnaître davantage les valeurs de la société d'accueil.
Professeur au niveau collégial, il m'est arrivé de constater que les jeunes Québécois ignorent leurs propres valeurs : ils sont tolérants sans le savoir!
Le contrat moral dont il était question, en 1991, dans l'Énoncé de politique de la ministre de l'Immigration d'alors, Madame Gagnon-Tremblay, mériterait dans cette perspective d'être connu par la population en général afin qu'il ne se limite pas uniquement au contexte de l'immigration. Je pense plus particulièrement à la partie de l'Énoncé qui faisait référence à la participation dans une Société démocratique.
Il est temps, me semble-t-il, de rendre explicites à tous les valeurs qui nous caractérisent. Ne faudrait-il pas faire en sorte que les caractéristiques sociales qui expliquent l'attrait social qu'exerce le Québec sur les immigrants soient jalousement préservées, protégées et officiellement reconnues? Parmi ces valeurs essentielles, à plus forte raison en ce moment de tension, mentionnons : a) le sens critique; b) l'égalité de tous devant la loi; c) le respect d'autrui; d) un espace public laïc.
Un dernier aspect auquel m'a fait penser l'entrevue avec Monsieur Icart, est le sens de l'appartenance, une valeur qui devrait aussi être développée. Il serait utile, à cet effet, de pouvoir réfléchir avec les médias sur la représentation qu'ils projettent de l'identité québécoise. Car si des artistes et des journalistes d'origine haïtienne ou africaine jouissent d'une visibilité sur nos écrans -et contribuent incontestablement à influencer les représentations de nous-mêmes- il n'en demeure pas moins que, lorsqu'il s'agit d'émissions d'affaires publiques, nos médias n'interviewent des individus issus des milieux ethniques que lorsqu'il s'agit de racisme, d'ethnicité ou d'immigration. Sûrement que, dans notre société, il existe des médecins, des enseignants, des fonctionnaires, des syndiqués, etc., qui sont d'une origine autre que canadienne-française. Comment se fait-il qu'on ne les voie pratiquement pas à la télévision dans les reportages et autres émissions d'affaires publiques?
Voici donc les quelques réflexions que j'ai pensé vous soumettre.
Je vous prie d'agréer, Monsieur, mes salutations les meilleures.
Victor Teboul, Ph. D.
P.S. Le destinataire n'a jamais daigné répondre à cette intervention.