Le Centre de santé et de services sociaux (CSSS) Cavendish, qui regroupe quelque 1 265 employés dont 26 médecins omnipraticiens, et dessert le centre ouest de Montréal, a décidé de s'opposer publiquement au projet de loi sur les valeurs québécoises du gouvernement du Québec.
L'établissement public de santé a placé une annonce, le 30 octobre dernier, dans le journal Les Actualités qui est distribué gratuitement dans l’arrondissement Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, sans attendre le dépôt du projet de loi 60, déposé jeudi 7 novembre, à l’Assemblée nationale du Québec.
Le président du conseil d’administration, M. Alan W. Maislin, déclare que le CSSS Cavendish «ne peut endosser ou adhérer au principe du bannissement du port de tout signe religieux, en autant que les services soient dispensés à visage découvert».
L’établissement, qui relève pourtant du ministère québécois de Santé et des Services Sociaux, prend ainsi l’initiative d’annoncer publiquement son refus du projet de loi, faisant fi des délibérations qui doivent avoir lieu à l’Assemblée nationale du Québec ainsi que du débat qui a cours présentement, dans lequel les Québécois francophones, selon les derniers sondages, se prononcent majoritairement en faveur de l’interdiction du port de signes ostentatoires dans les services publics.
Le geste du CSSS Cavendish soulève plusieurs questions, à savoir un organisme public de santé a-t-il le droit de s’opposer à un projet de loi dont le contenu n’était pas connu avant son dépôt et qui, au surplus, n’a pas été examiné par les législateurs, en l’occurrence, nos députés ?
Afin de justifier son opposition au projet de charte, le président du conseil d'administration affirme, dans le texte de l’annonce, que son établissement «n'est pas un organisme politique» alors que sa prise de position, affichée publiquement, constitue pourtant un geste de défi éminemment politique.
Une question qui devrait aussi être soulevée, mais qu’aucun des spécialistes ou juristes n’a jusqu’à ce jour abordé, concerne les options qui s’offrent aux usagers des services publics et parapublics. Qu’arriverait-il, par exemple, dans l’éventualité où le projet de loi 60 n’était pas adopté, si des citoyens, dans un geste de défi, à l’instar de celui posé par le CSSS Cavendish, décidaient, à leur tour, dans un mouvement de protestation de masse, de refuser de recevoir des services de la part de professionnel-le-s portant des signes religieux ostentatoires ? Qu’arriverait-il, aussi, si des parents estimaient que dans une école publique, leur enfant ne devait pas être exposé quotidiennement à des symboles religieux ou même politiques, alors que l’enseignement que ceux comme celles qui le dispensent se doit d’être exempt de toute opinion ? Ne devrons-nous pas tenir compte, par conséquent, non seulement du personnel, mais aussi des usagers des services publics ?
Enfin, comme l’a souligné l’ancien ministre libéral du gouvernement Charest et actuel professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa, M. Benoit Pelletier, quelle que soit l’issue du débat entourant la charte, il faudrait que le Canada anglais, dont le principe du multiculturalisme est au cœur de la Constitution canadienne, prenne acte du fait qu’il existe au Québec un très large consensus sur la place limitée que l’on est prêt à accorder aux religions dans le secteur public. Ceci, alors même que le Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution canadienne, affirme «que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit».
Les détracteurs du projet de Charte, appartenant en grande majorité aux communautés ethnoculturelles, parviendront-ils à accepter ce consensus ?