J'chuis un gars d'Alex exprimait mon désir fou d'être québécois avec tous les tiraillements que cela représentait dans les années 1970 pour un jeune homme originaire d'Alexandrie, en Égypte. Le texte parut dans la revue avant-gardiste québécoise Le Temps Fou durant l’été 1979. Je pensais que seule une revue portant ce nom pouvait publier mon récit, car je rêvais à l’époque de devenir québécois, alors que la langue, l’accent, la psyché collective, bref, tout me séparait des Québécois.
Paradoxalement, j’en faisais quand même partie depuis, au moins, une quinzaine d’années. Mais le nombre d’années, comme on le sait, ne suffit pas, car je rêvais d’être un gars d’ici, «un gars d’Abitibi ou du bas du fleuve», selon les expressions courantes dans les milieux bohèmes de Montréal de ce temps-là, formules qui me semblaient contenir à elles seules toutes les histoires et les légendes associées aux régions dont on était originaire. D’où le titre, calqué sur cette expression familière qui me permettait, dans ma rêverie, d’incorporer ma ville natale au cœur de ma toponymie imaginaire du Québec. Il me suffisait de répondre J’chuis un gars d’Alex à quiconque me demandait mes origines. Alex étant le diminutif familier que certains d’entre nous utilisions, en Égypte, pour désigner affectueusement Alexandrie.
Je publiai plus tard trois romans sur mon périple et j’exauçai, en quelque sorte, une partie du rêve qui me taraudait alors. Mais suis-je devenu québécois pour autant ou suis-je toujours «un gars d’Alex» ?
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6 juillet 2018