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Monsieur Applebaum et la langue française

par Victor Teboul
Ph.D. (Université de Montréal), Directeur, Tolerance.ca®

Avez-vous remarqué le silence autour du mot «juif» dans les médias du Québec – francophones et anglophones – à la suite de l’élection de M. Applebaum à la mairie de Montréal ?

Même les passants interviewés par une chaîne anglaise de télévision, dans l’arrondissement de Côte-Saint-Luc, où résident bon nombre de Juifs montréalais, refusaient de mettre en évidence l’origine du nouveau maire. «Cela n’a rien à faire avec sa religion», répondaient-ils en chœur, le lendemain de son élection.

Comme si le mot «juif» risquait d’éveiller des sentiments hostiles, disons le : de l’antisémitisme.

S’il s’agissait du premier maire noir de Montréal, il me semble qu’on aurait été fier de l'annoncer sur toutes les tribunes. Pourquoi s'est-on abstenu de le faire lorsqu’il s’est agi d’un Juif ? Être Juif, c’est aussi appartenir à un groupe ethnoculturel. Non ?

Aux Etats-Unis, comme en France et même au Canada anglais, on sait qu’il existe un vote juif et on l’analyse en toutes occasions et sous toutes ses coutures.

On sait aussi que M. Harper, le premier ministre conservateur du Canada, courtise le vote juif et que les positions pro-israéliennes de son gouvernement ne visent qu'à séduire l'électorat juif, habituellement gagné aux Libéraux.

Pourtant la journaliste du Devoir, Kathleen Lévesque, interviewée à l’émission 24 heures en 60 minutes, à la télévision de Radio-Canada, vendredi 16 novembre 2012, malgré une excellente analyse du résultat du vote au Conseil municipal, et tout en faisant référence à la circonscription fédérale de Mont-Royal – ou deux candidats juifs s’opposaient à la dernière élection – a réussi l’exploit exceptionnel de parler du nouveau maire sans mentionner une seule fois le mot «juif» !

Pour ma part, je suis bien heureux qu’un de mes coreligionnaires soit - enfin ! – élu maire de Montréal, en autant qu’il se montre à la hauteur de la tâche, même si son mandat, à titre de maire intérimaire, ne durera que 50 semaines très exactement, et qu’il ait promis de ne pas présenter sa candidature à la mairie en novembre 2013.

J’ai salué ici même l’arrivée d’Applebaum à la mairie et annoncé qu’il était juif parce que cela me semblait important. La scène politique municipale me paraît en effet encore trop homogène, alors que Montréal incarne la diversité dans toute sa splendeur.

Les médias francophones, eux, n’ont claironné que l’arrivée du premier anglophone à la Mairie de Montréal en cent ans ! Et ils ont curieusement préféré taire l’identité juive d’Applebaum.

Craignaient-ils qu’une organisation juive les accuse de singulariser ou de stigmatiser les origines du nouveau maire ? On sait que, dans certains milieux, dès qu’on entend le mot «juif» dans la bouche d’un Québécois francophone, celui-ci risque d’être accusé d'antisémitisme ... La raison est toute simple : dans ces milieux, on ne comprend pas le français.

Il a fallu attendre le week-end, pour que les médias anglophones osent préciser l’identité juive du nouveau maire. Josh Freed, le chroniqueur de la Gazette, s’amuse même à faire de l’humour juif à ce sujet. Et il étale du même coup son ignorance des réalités francophones en faisant l’éloge d’Applebaum pour sa connaissance de la langue du Québec ! Il faut le lire pour le croire…

Or le premier magistrat de Montréal a besoin d’un véritable cours intensif de français ! Accepterait-on que le maire de Toronto parle aussi mal l’anglais ?

Curieusement, alors que les francophones du Québec montent aux barricades lorsqu’il s’agit de la place du français dans les affiches bilingues, aucun média francophone ou porte-parole des milieux indépendantistes n’a élevé la voix pour déplorer la piètre qualité du français de notre nouveau maire. Après tout, si notre très honorable premier ministre Stephen Harper a pu et su perfectionner son français, sûrement que M. Applebaum pourrait le faire également. Il pourrait apprendre que le possessif, en français, s’accorde avec le nom et non pas avec son sujet. Il pourra ainsi dire clairement à M. Deschamps (son adversaire à l’élection) qu’il n’est pas d’accord avec sa vision et non son vision ! Car ses expressions fautives en français ne peuvent que gêner, alors qu’il représente la plus grande ville de langue française en Amérique du Nord.

Cela est d’autant plus étonnant que le nouveau maire est natif de Montréal et qu’il siège au Conseil municipal depuis près de 20 ans. Comment se fait-il en effet que, contrairement à M. Applebaum, des hommes et des femmes politiques du Québec, qui sont nés à l'étranger, parlent eux correctement la langue de Gaston Miron ? Certains même, comme M. Amir Khadir, le député de Mercier à l'Assemblée nationale et co-fondateur du parti Québec Solidaire, n’hésitent pas à citer des poètes et des écrivains du Québec dans leurs discours.

On souhaite que M. Applebaum puisse en faire autant.

Article paru le 18 novembre 2012.       

Source (voir aussi les réactions sur) :  https://www.tolerance.ca/Article.aspx?ID=150862&L=fr

 


 



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